De l'abstention fautive du crédit-bailleur à la décharge de la caution

Cass. com. 08 novembre 2023, n° 22-13.823

Droit des affaires | Procédures collectives | Procédure de sauvegarde | Redressement judiciaire | Crédit-bail | Caution

Dans le cadre d’une opération de crédit-bail, l’établissement de crédit dispose d’un avantage important que lui confère l’article L. 624-10 du Code de commerce : il se trouve dispensé, en sa qualité de propriétaire du bien, "de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité"

Par principe, la demande en restitution est une simple faculté offerte au crédit-bailleur qui dispose d’un contrat publié, lui permettant de recouvrer son bien.

En conséquence, cette demande n’est enfermée dans aucun délai, alors que l’article R. 624-14 se borne à préciser que la demande en restitution s’effectue "par lettre recommandé avec demande d’avis de réception à l'administrateur, s'il en a été désigné, ou, à défaut, au débiteur".

La question qui se posait à la Cour de cassation dans le cadre de l’affaire ainsi commentée, était de savoir si le crédit-bailleur qui s’abstient de solliciter la restitution du bien objet du contrat de crédit-bail commet une faute à l’égard de la caution, en la privant d’un droit susceptible de lui profiter.

En l’espèce, le crédit-bailleur s’était limité à préciser au mandataire, dans le cadre de sa déclaration de créance, que le contrat de crédit-bail ayant financé le bien entre les mains du crédit-preneur avait fait l’objet d’une publication régulière auprès du Greffe du Tribunal de commerce.

Or, le crédit-bailleur avait omis de solliciter la restitution du matériel objet du contrat de crédit-bail dans les conditions précisées par les dispositions de l’article R. 624-14 du Code de commerce.

Dans ce contexte, les Juges du fonds avaient condamné les cautions à payer au crédit-bailleur la somme de 22.197,00 €.

La Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la Cour d’appel précisant que si la demande de restitution d'un bien, objet d'un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du Code de commerce, ne constitue qu'une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l'article 2314 du Code civil, si, en s'abstenant d'exercer l'action en restitution, il prive la caution d'un droit qui pouvait lui profiter.

En effet, la récupération par le crédit-bailleur dudit bien lui aurait permis de procéder à sa revente, le prix de cette vente venant alors en déduction de sa créance.

Dès lors, le fait pour le crédit-bailleur de s’être abstenu de toute démarche qui aurait pu procurer un avantage aux cautions a conduit la Cour de cassation a considérer que le crédit-bailleur avait commis une faute au sens des dispositions de l'article 2314 du Code civil, selon lequel "La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite".

Cette solution nous parait critiquable dans la juste mesure où, en l’absence d’une disposition dans les conditions générales de l’opération ayant pour objet de prévoir que le montant de l’indemnité de résiliation est diminué du montant du prix de revente, le crédit-bailleur reste libre de ne pas retrancher le montant du prix de revente de sa créance.

Dans ces conditions, la condamnation du crédit-bailleur sur le fondement des dispositions de l'article 2314 du Code civil ne nous semble pas devoir être d’application générale, mais nécessite une appréciation au cas par cas de la convention de crédit-bail.

Par Maître Cédric MIGNARD


ATTENTION : L'article 2314 cité dans le corps du texte est la version de l'article applicable au litige. Cet article a été modifié par l'ordonnance du 15 septembre 2021 et se trouve désormais ainsi rédigé :

"Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit.
Toute clause contraire est réputée non écrite.
La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté
".