L'absence d'effet de la publication du jugement arrêtant le plan de redressement du crédit-preneur sur le droit de propriété du crédit-bailleur en l'absence de publication régulière du contrat de crédit-bail

Cass. com. 14 décembre 2022, n° 21-16.048

Droit des affaires | Procédures collectives | Redressement judiciaire | Crédit-bail

La publication au BODACC du Jugement rendant opposable le plan de redressement du débiteur, quand bien même il prévoit le désintéressement du crédit-bailleur, n’a pas pour effet de rendre son droit de propriété opposable à la liquidation judiciaire du débiteur. En l’absence de publicité régulière, le régime fixé par les dispositions de l’article R. 313-10 du Code monétaire et financier est alors applicable.

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt en date du 14 décembre 2022 (Pourvoi n° 21-16.048) que « la publication du jugement arrêtant le plan de redressement du crédit-preneur [n’étant] pas de nature à rendre le droit de propriété du crédit-bailleur opposable à la liquidation judiciaire du crédit-preneur ». 

En effet, « l’opposabilité à cette procédure des droits du crédit-bailleur sur le bien objet du contrat de crédit-bail non régulièrement publié suppose que le crédit-bailleur établisse que chacun des créanciers du crédit-preneur ait eu connaissance de l’existence de ses droits ».

Il en résulte une sanction lourde de conséquence pour le crédit-bailleur qui n’a pas procédé à la publication régulière de son contrat. Le bien objet du contrat de crédit-bail se trouve, dans ces circonstances, appréhendable par le liquidateur qui pourra procéder à sa réalisation en vue du désintéressement de la masse des créanciers. Le matériel financé par le contrat de crédit-bail devient ainsi le gage commun de tous les créanciers.

Il n’est pas vain de préciser que le crédit-bailleur n’en perd pas la propriété, mais que celle-ci est bien inopposable à la procédure collective. Cette inopposabilité constitue une sanction originale.

En tant que sanction de droit commun, l’inopposabilité vise à rendre un acte juridique inefficace à l'égard des ou d'un tiers. Elle n’attaque donc pas la propriété elle-même, mais les effets de la propriété à l’égard de l’établissement de crédit-bail.

Dans ces circonstances, à charge pour le crédit-bailleur de démontrer que « chacun des créanciers », précise l’article R. 313-10 du Code monétaire et financier, avait connaissance de l’existence des droits du crédit-bailleur sur le bien objet du contrat de crédit-bail.

En pratique, cette sanction se traduit, à notre sens, par une mise en péril des droits du crédit-bailleur, mais plus largement, de la sécurité juridique des affaires.

Dans l’espèce commentée, lorsque la Cour de cassation précise que « la publication du jugement arrêtant le plan de redressement du crédit-preneur n’est pas de nature à rendre le droit de propriété du crédit-bailleur opposable à la liquidation judiciaire du crédit-preneur » avant d’en déduire que « la publication [dudit] jugement (…) est dépourvue d’incidence sur la publicité du contrat de crédit-bail qui, non renouvelée, a expiré », elle entend rappeler que le contrat de crédit-bail répond à une législation qui lui est propre, et fixée, notamment, par les dispositions de l’article L. 313-10 du Code monétaire et financier, lequel dispose « Les opérations mentionnées à l'article L. 313-7 sont soumises à une publicité dont les modalités sont fixées par décret ».

Par cette décision, la Cour de cassation démontre, à juste titre, vouloir éviter de donner à la décision arrêtant le plan de redressement du crédit-preneur une portée que les textes ne lui prévoient pas.

In fine, en l’absence de renouvellement, si la publicité du crédit-bail n’est plus effective à la date d’ouverture de la procédure liquidative, le droit de propriété est inopposable et le crédit-bailleur ne saurait obtenir la restitution du bien objet du contrat de crédit-bail.

Par Maître Cédric MIGNARD